L’expression « égalité des chances » largement utilisé ces dernières années n’est pas véritablement nouvelle puisque elle est déjà évoquée en octobre 1940 par P. Pétain lorsqu’il dit  » Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l’idée fausse de l’égalité naturelle des hommes mais sur l’idée nécessaire de l’égalité des chances, donnée à tous les Français de prouver leur aptitude à servir… Ainsi renaîtront les élites véritables… ». Plus proche de nous, N. Sarkozy dit « c’est en rétablissant l’égalité des chances que la République fera circuler ses élites ». Alors, est-ce bien cette égalité là, élitiste, que nous souhaitons comme projet éducatif pour nos enfants et pour notre société ? « Certains sociologues comme F. Dubet et M. Duru-Bellat s’interrogent sur la pertinence de l’idéologie méritocratique sous-jacente au programme de l’égalité des chances et du discours qui fait de la formation des élites, même légitime, l’objectif principal de l’école républicaine »1.

Cette notion d’égalité des chances ne permet-elle pas en réalité de justifier les inégalités de résultats? Il semble bien que l’on touche là à l’écart sémantique qui nous questionne. De plus, ce concept d’égalité des chances ne légitimerait-il pas en réalité l’existence d’inégalités sociales ? En effet, lorsqu’on parle aujourd’hui d’égalité des chances, on pose comme postulat que les inégalités sociales sont inévitables, mais que tous les enfants ont leur chance et peuvent donc réussir. C’est aussi oublier un peu vite que l’école va jouer un rôle important dans la reproduction sociale puisqu’elle en est malgré tout un instrument au service des classes dominantes. En effet, pour Pierre Bourdieu, la réussite scolaire des enfants des classes dominantes ne s’explique pas par leur talent mais par leur héritage culturel, et ceci est d’autant plus vrai que l’habitus des enfants des classes dominantes est en affinité avec celui des enseignants2.

Par ailleurs, l’égalité des chances introduit de fait les notions de compétitivité et donc de mérite. Le caractère social des inégalités est alors renvoyé à la responsabilité de chacun, et dans ce contexte, le sentiment de culpabilité face à l’échec devient fortement prégnant.

Enfin, la notion de chance évoque aussi le hasard ou encore le jeu, où quelques-uns gagnent mais où la plupart perdent.

 

1 Extrait d’un article intitulé « l’égalité des chances ou … comment ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain », publié dans Les Cahiers Pédagogiques du CRAP, n°467, dossier « égalité des chances ou école démocratique ? »

2 Pierre Bourdieu, les Héritiers, ou encore la Reproduction