Réduire la production, cela ne veut pas forcément dire manger moins ou s’habiller plus mal. En effet, il faut savoir que des actions humaines peuvent faire augmenter le PIB sans améliorer notre niveau de vie, parfois même en le dégradant. Voici un exemple parmi beaucoup d’autres : une partie des hausses de PIB sont dues à l’augmentation des transports du fait de la concentration des productions (industrialisme) et des points de vente. Le principe de l’industrialisation est de concentrer les travailleurs autour d’une machine (ou d’une usine) afin de profiter des gains de productivité permis par la fabrication en masse. C’est-à-dire que plus d’unités sortent de la machine, plus le coût de chacune des unités diminue. La production industrielle nécessitant d’importants investissements, il faut produire des quantités énormes et les écouler sur le marché sous peine de devenir déficitaire. Cette logique a pu être concrétisée « grâce » au très faible prix des transports, notamment des transports routiers. En effet, nous avons profité pendant des décennies d’un pétrole très bon marché qui permettait aux industriels de concenter les productions tout en touchant un marché très vaste avec leurs marchandises. Il en est de même pour les points de vente. Le développement des grandes surfaces a permis aux commerçants de faire baisser les prix en jouant sur les quantités achetées puis vendues. Mais de ce fait, c’est aux consommateurs de se déplacer vers les magasins. Autant de voitures en plus sur les routes. Et plus la production est concentrée, plus les transports augmente, sans pour autant (bien au contraire) assurer à la société une amélioration du niveau de vie.

Prenons l’exemple du yaourt : plus l’usine est grande, plus elle est gourmande en matières premières. C’est-à-dire plus son rayon d’approvisionnement en lait sera grand. Les camions-laitiers feront donc d’autant plus de kilomètres. Plus l’usine est grande, plus elle doit écouler de yaourts afin de rentabiliser les investissements de départ et les frais de mise en route des machines. Ainsi, son marché doit être le plus étendu possible. Et les camions qui assurent la livraison des produits finis feront donc d’autant plus de kilomètres. Et enfin, selon le même principe, plus le magasin est grand, plus il se doit de toucher une large population… qui fera d’autant plus de kilomètres pour acheter ses yaourts et ses autres produits alimentaires. Une étude menée sur des yaourts produits et vendus en France1 montre que la quantité d’énergie consommée pour la fabrication d’un kilogramme vendue en hyper ou en supermarché représente moins d’un tiers de la consommation totale d’énergie nécessaire à sa fabrication et son transport vers le consommateur final . Le reste de l’énergie consommée sert à la logistique, à la gestion des stocks dans la grande surface et au déplacement des consommateurs entre leur domicile et le magasin.

Plus généralement, selon l’Insee, le transport intérieur de marchandises a augmenté de 76 % entre 1985 et 2006. Relocaliser les productions, c’est, en plus des bienfaits sur la qualité des biens produits et la possibilité de contrôle par les consommateurs finaux, permettre une diminution non négligeable d’une consommation superflue d’énergie humaine et naturelle… (nécessaires à la fabrication des machines, à la fabrication des camions, à l’extraction des matières premières énergétiques, au transport de ces matières premières énergétiques, au transport des produits intérmédiaires, au transport des produits finis, à l’entretien des infrastructures routières, à la gestion des accidentés de la route, et – il faudra bien y penser un jour – à la gestion des divers déchets et polluants émis…). En tout cas, ce n’est pas se serrer la ceinture…

1 Christophe Rizet (2008), « Bilan énergies et CO2 des chaînes logistiques : l’exemple des produits frais et l’habillement », Notes de synthèse du SESP N° 168.