Parmi les gens susceptibles de travailler le dimanche, sans chef au dessus de leur tête, les instits. Ultimes corrections, derniers réglages des cours du lendemain, recueils d’idées pour des projets et… photocopies. Venez roder en fin d’après-midi près des écoles et vous aurez peut-être la chance d’y observer un instit errer près de la photocopieuse afin de connaître un lundi matin moins chargé. Dans chaque commune il existe un enseignant qui vient allumer les lumières de l’école le dimanche soir forçant ainsi le respect des parents qui passent à côté. Dans chaque commune, sauf… à Bouguenais. Cette année, plus aucun professeur des écoles ne peut venir dans sa classe le 7ème jour de la semaine. La faute à un stupide badge. Une carte programmée pour ne plus ouvrir les portes après 23 heures et le dimanche.
Projetons-nous maintenant sur la journée d’un instituteur bouguenaisien en 2015. Vous vous êtes levés en retard parce que la veille vous avez reçu des copains à manger. Votre nouveau compteur EDF Linky qui a mis au chômage les milliers d’agents qui relevaient vos anciens compteurs transmet aussitôt votre surconsommation d’énergie de la veille. L’ordinateur au bout de la ligne note que vous n’avez pas allumé la télévision ce matin mais que votre douche s’est éternisée un peu. Vous sortez, en retard, prenez le tramway. Votre carte Libertan archive ce trajet dans sa base de données. Ce lundi vous avez pris le tram de 8h24 alors que normalement vous empruntez celui de 8h12. Passons sur votre journée de travail au milieu de trente enfants, épuisante, en même temps vous n’aviez qu’à vous coucher plus tôt la veille. Vous décidez de vous rendre quand même à votre séance de tir à l’arc dans la salle Dubois. Vous bipez pour ouvrir la salle. En sortant, il est 23 heures, vous vous rendez compte que vous avez oublié votre porte feuille dans votre école. Hélas pour vous, votre carte électronique qui a remplacé les clés de l’école vous empêche de rentrer dans votre classe. Vous rentrez chez vous, sortez vos poubelles à code barre. Demain le camion qui les videra notera qu’elles sont plus lourdes que d’habitude.
La municipalité de Bouguenais a fait le choix de badger ses établissements (scolaires, sportifs…) Ce choix, vendu comme étant pratique et efficace n’est finalement qu’un outil de plus pour déshumaniser et contrôler nos faits nos gestes et nos déplacements. Ce « progrès technologique », contrat juteux pour des entreprises privées est-il compatible avec un progrès humain ? Nantes métropole observe avec attention ce qui se passe à Lille qui tente de mettre en place une carte de vie quotidienne qui servira aux déplacements, aux loisirs (emprunts de livres dans une bibliothèque, fréquentation des salles de sport, de cinéma…), à la vie familiale (cantines scolaires, crèches…), aux achats (carte de fidelité, paiement de petites sommes)… Notre vie privée devient publique. Ces décisions sont prises sans consultation, sans aucun débat public. Elus, nous refuserons de laisser la vie des habitants de Bouguenais devenir de plus en plus transparente.
